République Libre d’Outre-Meuse

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Historique

C’est en 1927 que des journalistes et des personnalités du quartier, après un voyage à Paris où ils avaient pu apprécier les réalisations de la Commune Libre de Montmartre, décidèrent de se grouper afin de créer une association similaire.

Les divers groupements folkloriques d’Outre-Meuse (ils étaient nombreux à l’époque) approchés en ce sens, en approuvèrent unanimement l’idée et c’est ainsi que fut décidée la constitution du premier Conseil du Gouvernement de la République.

Les archives, si elles ne sont pas très complètes, révèlent toutefois la composition de ce premier « Gouvernement »: le Président en était Jean WARROQUIERS, le Maïeur, Joseph DUMONT, les Ministres, LINTERMAN, MARÉCHAL, EINIG, TOUCHARD et WATHELET . La République Libre d’Outre-Meuse était née. Ses buts étaient de servir le folklore et de pratiquer la philanthropie.

Le 11 juin 1927, à l’occasion de la grande quinzaine liégeoise, un cortège venu du centre de Liège et comprenant notamment une vingtaine de calèches dans lesquelles avaient pris place les personnalités, s’ébranla en direction d’Outre-Meuse.  Il s’agissait ni plus ni moins, de remettre officiellement les insignes de leurs fonctions au Président et au Maïeur nouvellement élus par leurs concitoyens.  Quelle ne fut pas la surprise d’une grande partie des personnalités du cortège qui, jusque là, étaient plutôt sceptiques et se demandaient s’il ne s’agissait pas d’une blague ou d’une astuce publicitaire d’être accueillies, à la sortie du Pont des Arches, par une marée humaine venue applaudir « son » Président.  Les journalistes français, hollandais et belges qui assistaient à ces festivités n’en croyaient pas leurs yeux.  Jamais encore ils n’avaient vu pareil enthousiasme à l’occasion d’une manifestation folklorique.  Le cortège déboucha sur une Place de l’Yser noire de monde.  Du haut de la tribune érigée au centre de la place, Monsieur Olympe GILBART, alors Echevin de la Ville de Liège, après avoir résumé les motifs de la fondation de la République Libre d’Outre-Meuse, devait remettre l’écharpe jaune, rouge et verte au premier Président, Jean WAROQUIERS.  Ce moment historique fut salué par un tir de « campes » bien dans la tradition du vieux quartier de Djus-d’là.  Le nouveau Président ainsi que le Maïeur allaient ensuite prononcer une courte allocution avant que ne retentisse pour la première fois l’hymne de la République intitulé  » Djus-d’là-Mouse po tot  » dont les paroles avaient été composées par Joseph VRINDTS et la musique par Joseph DUYSENX .  Le cortège devait parcourir les rues de la nouvelle République, rendant visite à la « Maison Communale » située au cinéma SPLENDID, rue de Berghes et à la « Maison de la République », café de la Cour au Boulevard Saucy (actuellement magasin GB-Partners).  Si la partie officielle prenait fin, la liesse populaire stimulée par force rasades de « Pèkèt » se donnait libre cours.

Lors de leurs pérégrinations, les nouveaux républicains purent lire la première proclamation de « leur » Maïeur, Joseph DUMONT . Elle était affichée sur tout le « territoire ». En voici le texte :

PROCLAMATION DU MAÏEUR :  » Dji so s’t’aoureu d’esse Maïeur di m’vî cårtî d’Djus-d’là-Moûse èt dji v’rimercihe di l’oneur qui vos m’fé. Ossu dji v’promète qui n’ârèt nou bourguimaisse comme mi dizo l’solo èt n’abim’rèdje djamaye di nole manîre, l’ècharpe qui vos m’dinez. Tos les vîs usèdjes et les acostumances di mes tåyes sèront respectés èt si onk èt l’aute, comme dji l’espère, miprustèye si côp di spale, è nosse République di Djus-d’là-Moûse, on n’frèt nin des mohes à deûs cous. Måy pus, nos n’sètch’rans l’djâle pos l’cowe, les taxes èt totes les sôrts di contributions iront â jèbes pos l’gate. Si no volans bin nos ètinde èt sètchî turtos à l’minme cwède, nos montrans â Cîr sins håle. Vivât pos nosse République ».

« TRADUCTION :  » Je suis heureux d’être élu Maïeur de mon vieux quartier d’Outre-Meuse et je vous remercie de l’honneur que vous me faites.  Aussi je vous promets qu’il n’y aura aucun bourgmestre comme moi sous le soleil et je n’abîmerai jamais, d’aucune manière, l’écharpe que vous me donnez. Tous les vieux usages et coutumes de mes aïeux seront respectés et si l’un et l’autre, comme je l’espère, me prête son coup d’épaule, dans notre République Libre d’Outre-Meuse, on ne fera pas des mouches à deux culs… Jamais plus, nous ne tirerons le diable par la queue, les taxes et toutes les sortes de contributions iront aux herbes pour la chèvre.  Si nous voulons bien nous entendre et tirer à la même corde, nous monterons au ciel sans échelle. Vivat pour notre République. »

Pareille proclamation ne pouvait qu’augmenter l’allégresse qui alla crescendo pour ne s’éteindre qu’au petit matin.  Les rues et les venelles résonnèrent de chants et les cafés exceptionnellement ouverts jusqu’à deux heures du matin ne désemplirent pas et après leur fermeture la fête continua partout.  Dès le 14 juin, le « Gouvernement » se rendait à la Gare de Longdoz où le Président et le Maîeur allaient féliciter les groupes des « Valeureux Liégeois » et des comédiens ramenant leurs lauriers conquis de haute lutte au grand concours de Reims.

LES PREMIÈRES RÉALISATIONS. Il est malaisé de connaître par le menu les premières réalisations de la République.  Les archives sont très pauvres et cela peut se comprendre.  Les premiers responsables de cette jeune association étaient surtout une bande de copains et d’amis qui se souciaient peu de la forme et ne pensaient guère à consigner sur papier ce qu’elle imaginait lors des réunions. Toutefois, il est possible de déterminer les projets les plus importants qui furent menés à bien.

Citons en 1927 1a création de l’Ecole de Musique Grétry. Cette école toujours très vivante à l’heure actuelle et qui porte fièrement son titre de « Royale », tenait ses assises à l’école primaire des Récollets où, explique Théo DEJACE qui fut l’un des premiers secrétaires de la République, le comité siégeait pratiquement en permanence.  Les inscriptions à cette école étaient très nombreuses, mais malheureusement, le Président Jean WAROQUIERS étant très distrait et de peu d’ordre, il fallait récupérer les dites inscriptions griffonnées sur des bouts de papier un peu partout dans la cuisine de Jean WAROQUIERS dans des pots à sel, des sucriers, des théières,. ..

En 1934, ce fut l’inauguration du monument au Général Bertrand puis en 1936, l’inauguration du monument Tchantchès au Pont Saint-Nicolas. Ce monument faillit ne pas voir le jour à cause de la volonté de Xavier NEUJEAN, Bourgmestre de Liège à l’époque. L’anecdote vaut la peine d’être racontée. L’idée de l’érection d’un monument à la gloire du « plus vieux citoyen » de Liège, germa dans l’esprit, toujours en éveil, de Georges TRUFFAUT , alors Echevin des Travaux Publics de la Ville de Liège. Georges TRUFFAUT présente le projet au Bourgmestre NEUJEAN qui, s’il accepta l’idée, refuse catégoriquement de voir le monument s’ériger au Pont Saint-Nicolas pour le motif que là, s’y trouvaient quelques vieux arbres dont NEUJEAN était amoureux. . Devant la volonté irréductible de NEUJEAN , TRUFFAUT qui voulait voir son projet se réaliser, ne prit pas quatre chemins, il convoqua le chef des plantations de la Ville et lui fit comprendre que certains arbres mouraient, parfois prématurément. Les arbres moururent…et la hercheuse, due au talent de l’architecte Emile BERNIMOLIN et du sculpteur Joseph ZOMERS , tendit bientôt à bout de bras notre petit personnage légendaire…

Les ans passaient et après le décès de Jean WAROQUIERS et le passage trop bref de Théo MARECHAL comme second président de la République, ce fut Joseph OFFERMANS qui en 1939 allait présider, pendant près de vingt ans aux destinées de la République.  En 1939 à Liège, tout était auréolé par les grandes manifestations de la « Saison Internationale de l’Eau » organisée à l’occasion de l’inauguration du canal Albert.  Le comité exécutif de la « Saison » avait proposé aux divers quartiers de Liège d’animer la ville, seule la République releva le défi.  Un magnifique cortège folklorique parcourut les rues de la Cité et connut un tel succès que l’on put lire dans la presse de l’époque: « un seul quartier de Liège a fait trembler l’Exposition de l’Eau »: c’est celui d’Outre-Meuse ». La guerre allait mettre en veilleuse les activités folkloriques de la République Libre : toutefois, ses principaux animateurs se consacrèrent plus spécialement à la philanthropie.  Certains firent preuve de leurs sentiments patriotiques au sein de la résistance: d’autres pratiquèrent l’entraide discrète de leurs « administrés » nécessiteux.

L’APRES-GUERRE Dès la libération du territoire, la République se constituant en A.S.B.L. refit surface avec ceux qu’avait épargné la tourmente: les « anciens » n’étaient guère nombreux; il fallait tout recréer et en l’absence de larges moyens organiques, il fallait assurer la bonne marche de l’association souvent avec les deniers personnels des « Ministres « . Mais la relève se manifesta bientôt et en 1949 , de nouvelles figures se manifestèrent: Henri CHALANT, Jean FUCHS, Paul DOFLEIN, Lucien CHAUSSA, Jean MASSART .

A l’heure actuelle, le Conseil des Ministres de la République Libre d’Outre-Meuse se compose d’une vingtaine de personnes, toutes bénévoles, attachées à la défense des vraies traditions folkloriques du quartier .

C’est à l’époque de la Libération que datent d’une part les réceptions des personnalités venant rendre visite à la Ville de Liège, et d’autre part la remise des costumes à Tchantchès. La garde-robe du plus vieux citoyen de Liège s’enrichit chaque année et à l’heure actuelle (Mai 2016), plus de 400 costumes se trouvent en partie dans les vitrines du musée Tchantchès.  Si les grandes manifestations du « 15 août en Outre-Meuse » ont une réputation bien établie, il convient également de souligner que, très tôt la République axera ses réalisations sur des programmes à caractère culturel.  C’est ainsi que la salle du Musée Tchantchès vit défiler des chanteurs tels que Julos Beaucarne (à ses débuts), Guy Harmel, Fred de Bruyne, Claude Lombard (une des « Nanesses »), Guy Lukowski, des orchestres tels que Claude Luther, Paul Thomas, Jacques Pelzer, des magiciens tels que Lemmy Match et bien d’autres encore.   A l’heure actuelle, le Musée Tchantchès est reconnu comme Centre Culturel Local par le Ministère de la Culture et par la Direction des Affaires Culturelles de la Province de Liège.